Aller au contenu principal
← Retour aux articles

L'IA : un outil de vérification, un outil d'éveil, pas le moteur de l'intelligence humaine

Cet article que vous allez lire n'a pas pour objectif d'affirmer que l'intelligence humaine est "supérieure" à l'IA. Il vise uniquement à rappeler qu'elle est vitale pour notre survie et notre équilibre cognitif dans le monde moderne.

À mesure que l'intelligence artificielle s'impose dans les usages, une confusion s'installe : croire que la machine pourrait se substituer à l'intelligence humaine. C'est une erreur monumentale. Le risque n'est pas seulement technique : il est cognitif. À force de déléguer, nous pourrions atrophier nos propres capacités.

Notre intelligence repose sur un équilibre subtil entre mémoire à court terme et mémoire à long terme. La première ne fonctionne que parce que la seconde existe : elle alimente et guide le traitement de l'information. C'est dans cet échange constant que naissent la compréhension, l'apprentissage et la décision.

L'information n'est véritablement acquise que lorsqu'elle est mémorisée sur le long terme, car c'est elle qui permet de raisonner lorsqu'un besoin se présente. Depuis des millions d'années, notre évolution est liée à cette cognition, qui est l'origine même de nos progrès.

La connaissance immédiate, qui occupe une faible place dans la mémoire à long terme, n'active qu'une petite portion d'un enchaînement de neurones. Ainsi, le nom ou l'emplacement d'un magasin finit par s'ancrer dans notre mémoire uniquement parce que nous répétons cette action des centaines de fois. La clé de la mémorisation, c'est la répétition.

Tous les autres neurones non sollicités demeurent en attente d'éveil et d'activation. Or, si l'IA excelle dans la rapidité de traitement et la vérification de données, elle ne peut ni créer, ni raisonner, ni mémoriser comme le fait un être humain car les machines n'ont pas les mêmes besoin vitaux pour vivre et survivre.

La différence entre l'IA générative et l'humain est en apparence conciliable, car elles semblent reposer sur une même base : traiter une information pour en produire une autre. Mais rappelons-le : c'est l'homme qui a créé la machine, et non l'inverse.

Lorsqu'on interroge une IA, celle-ci va chercher l'information et la restitue à l'écran. Il n'y a aucun exercice de mémorisation ni d'effort intellectuel : ce ne sont que des suites de 0 et 1 (en attendant les qubits), de simples instructions exécutées.

L'humain, lui, doit mobiliser un réseau neuronal spécifique pour retrouver une information comme l'alphabet et la transférer vers la mémoire à court terme afin de s'en souvenir.

La différence est donc majeure. Elle explique notre existence biologique, et rappelle pourquoi l'intelligence humaine ne peut se réduire à une mécanique de traitement de données.

L'illusion de la substitution

L'illusion que l'IA pense comme un humain est trompeuse. L'intelligence humaine, elle, repose sur des piliers que l'IA n'a pas : la créativité, la réflexion critique et la mémoire à long terme. Ces dimensions ne s'achètent pas, elles ne se téléchargent pas. Elles s'acquièrent par l'effort, l'expérience et le temps.

La vraie force de l'humain : l'effort cognitif

La mémoire humaine se construit lentement, au fil des répétitions, des épreuves et des expériences. La créativité naît de la confrontation d'idées hétérogènes, souvent en dehors de tout cadre prévisible. La pensée critique se forge dans le doute, le débat, la remise en question.

Rien de tout cela n'existe dans une IA. Elle propose des réponses, mais ne sait pas pourquoi. Elle assemble, mais ne juge pas. Elle imite, mais n'imagine pas.

L'IA comme support, pas comme moteur

L'IA doit donc rester un outil de vérification et de support. Elle peut même contribuer à entraîner la mémoire à long terme, par exemple lorsqu'elle est utilisée pour apprendre à faire des divisions.

Une étude internationale de 2022 l'a montré : le niveau scolaire régresse.

  • En France : -21 points, avec 1 élève sur 8 sans compétences élémentaires.
  • Aux États-Unis : -27 points, et 38 % des élèves de 8e année sous le niveau basique (division incluse).

La clé n'est pas de savoir faire une division parce qu'une calculatrice ne le pourrait pas tous les smartphones en disposent. La clé est de savoir la faire mentalement, car cet exercice entraîne et entretient un réseau de neurones spécifique. Ce même réseau peut ensuite être mobilisé pour résoudre un problème de la vie courante suivant une logique similaire.

C'est tout le système de mémorisation, construit par l'apprentissage scolaire, qui risque de disparaître. En 2025, le niveau global des adultes en France reste stable, mais celui des jeunes inquiète pour l'avenir économique. Les adultes d'aujourd'hui sont les enfants d'hier ; les enfants d'aujourd'hui seront les adultes de demain.

À qui la faute ? Aux enseignants ? À l'école ? La question n'est pas là.

L'intelligence artificielle, bien utilisée, peut au contraire combler ce fossé et stimuler la cognition mémorielle. Mais elle n'est pas la seule voie : le jeu d'échecs, le jeu de dames, ou d'autres activités intellectuelles comme le dessin, l'écriture ou la musique offrent la même double vertu. Elles sollicitent à la fois la mémoire à court terme et la mémoire à long terme, renforçant les réseaux neuronaux et les capacités de raisonnement qui en découlent.

Comment développer sa mémoire à court et long terme ainsi que le raisonnement ?

Exercice avec l'IA :

Demandez à l'IA de vous écrire un texte uniquement avec des consonnes, puis tentez de le relire en ajoutant vous-même les voyelles tout en le tapant au clavier.

Exercice avancé :

Mieux encore : définissez avec l'IA que les lettres de l'alphabet correspondent à des chiffres de 1 à 26, et essayez de résoudre le texte codé que la machine vous proposera.

Ces exercices sont à la fois ludiques, stimulants et créatifs. Surtout, ils permettent de développer la cognition en sollicitant à la fois mémoire, logique et imagination.

Une autre force de l'intelligence humaine : la mémoire spatiale

La mémoire spatiale est une dimension essentielle de notre intelligence. Elle nous permet de nous déplacer mentalement dans un espace physique sans y être réellement. Autrement dit, nous sommes capables de visualiser un lieu, d'y tracer un chemin, d'anticiper des obstacles et de retrouver un itinéraire... sans avoir besoin de l'explorer à chaque fois.

Mais cette mémoire ne se limite pas à répéter l'existant : elle se met à jour en permanence. Si un nouvel élément apparaît par exemple un magasin installé sur le chemin de la boulangerie, notre cognition intègre automatiquement cette donnée. La nouvelle information s'implante dans la carte mentale sans effacer l'ancienne, enrichissant ainsi notre perception.

Cette capacité repose sur la construction de cartes cognitives internes, que le cerveau alimente par l'expérience et la répétition. Ainsi, lorsqu'on pense à son appartement, on peut s'y « projeter » mentalement, se souvenir de l'emplacement des objets, et même planifier un déplacement d'une pièce à l'autre.

L'intelligence artificielle, elle, n'a pas cette mémoire spatiale. Elle peut calculer un trajet grâce à un GPS ou simuler un environnement en trois dimensions, mais elle ne vit pas l'espace. Elle ne l'expérimente pas corporellement, elle ne l'associe pas à des souvenirs, ni à des émotions.

C'est là un autre point crucial de notre singularité biologique.

La mémoire spatiale ne sert pas seulement à se repérer : elle renforce la mémoire à long terme et stimule l'imagination. Imaginer un parcours, c'est aussi être capable de créer des liens entre différents points, de construire une narration, et donc de développer un raisonnement.

L'IA pourra toujours proposer la route la plus courte, mais seule l'intelligence humaine peut transformer un chemin en expérience vécue et en apprentissage durable.

Comment développer sa mémoire spatiale ?

Avec l'IA : demandez-lui d'écrire un texte uniquement avec des consonnes, tous les deux mots. Votre cerveau devra compléter mentalement les voyelles manquantes, stimulant ainsi visualisation et reconstruction.

Sans IA : imaginez un parcours que vous connaissez par cœur (comme celui vers votre boulangerie) en y intégrant de nouveaux éléments fictifs, puis visualisez-le mentalement. Cet exercice oblige le cerveau à enrichir et actualiser ses cartes cognitives internes.

Une question pour clore cet article

Pouvez-vous réécrire l'intégralité de ce que vous venez de lire, sans le relire ?

La réponse est non. Et pourquoi ? Parce que vous avez mobilisé principalement votre mémoire à court terme, laquelle a puisé dans vos connaissances existantes pour donner du sens au texte.

Mais pour retenir durablement, il faut passer par un autre effort : lire et recopier. Car en recopiant, vous sollicitez simultanément votre mémoire à court terme (qui garde la phrase à l'esprit) et votre mémoire à long terme (qui enregistre l'information par répétition et par lien).

C'est ce double travail, unique à l'intelligence humaine, qui permet l'apprentissage véritable.

La dépendance à l'IA n'entraîne pas forcément une baisse des compétences au contraire, si elle est utilisée comme un outil. L'essentiel est d'apprendre par soi-même, de se découvrir, car vous êtes la seule personne à savoir ce dont vous avez besoin. L'avantage de travailler avec l'IA est qu'elle reste neutre : un outil, au même titre qu'un marteau.

Rappelez-vous d'une chose : l'humain est un autodidacte par nature. La preuve ? Nous apprenons à marcher seuls et nous apprenons à parler seuls. Le reste n'est que connaissance acquise. Avec l'IA, vous pouvez tout apprendre à condition de la considérer pour ce qu'elle est : un outil au service de votre propre intelligence.

La vie, c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équilibre.
Albert Einstein
L'IA n'a qu'à bien se tenir : à vos neurones, et bonne cognition !

Olivier Evan, ai7ia.com @olivier_evan

Partager cet article